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Biographie par l’Association Marcel Jousse

Publié le 22 décembre 2011 par Yves Beaupérin

MARCEL JOUSSE s.j. (1886-1961)

Qui est Marcel Jousse ?

  • Un savant, un explorateur de la psychophysiologie humaine. Il situe son apport personnel au point de jonction de nombreuses disciplines. Tous les programmes de ses cours annonçaient : "Les travaux anthropologiques de Marcel Jousse ont pour but de rechercher une liaison entre les disciplines psychologiques, ethnologiques et pédagogiques".
  • Un professeur, beaucoup plus à l’aise dans l’expression gestuelle et orale que dans l’écrit.
  • Un paysan, qui n’a jamais renié ses origines.
  • Un passionné de cet "homme parfait" que fut Jésus de Nazareth et de la culture dans laquelle il a vécu, lui et ses douze apôtres.

Spécialiste original de l’étude du style oral, du rythme et du geste, Marcel Jousse est né à Beaupont-sur-Sarthe dans un milieu de paysans illettrés. Son père était un simple journalier. "Je suis illettré de formation" déclarera-t-il. "Heureux suis-je d’avoir plus appris sur les lèvres de ma mère que dans les livres... Elle m’a bercé de vieilles cantilènes de la Sarthe dont elle n’a jamais rien vu d’écrit... Elle n’a jamais vu non plus un texte écrit de l’Evangile". Mais elle récitait à son enfant les Evangiles des dimanches en psalmodiant et se balançant. "Aussi, pour moi, l’Evangile n’a pas été une chose écrite, mais vivante sur les lèvres d’une mère."

La prise de conscience de ce bercement maternel initia l’enfant aux mécanismes anthropologiques repérables principalement dans les milieux où domine le style oral.

Marcel Jousse, qui fit de brillantes études classiques, commença, à l’âge de douze ans, l’étude de l’araméen et de l’hébreu, pour connaître la langue parlée par Jésus.

Ordonné prêtre en 1912, il entre dans la Compagnie de Jésus en 1913, puis fait la guerre comme officier d’artillerie. En 1918, il est envoyé comme instructeur aux Etats-Unis et séjourne dans les réserves des Indiens dont il étudie les expressions gestuelles.

De retour à Paris, il entreprend des études de phonétique, de psychologie normale et pathologique et d’ethnologie, avec les maîtres de l’époque : Jean-Pierre Rousselot, Pierre Janet, Georges Dumas, Marcel Mauss, Lucien Lévy-Brühl. Il poursuit, en meme temps, ses recherches sur les mécanismes anthropologiques fondamentaux.

En 1924, il publie dans les Archives de philosophie un mémoire qui le rend célèbre : "Le style oral rythmique et mnémotechnique chez les verbo-moteurs". Cette synthèse de ses observations et de celles de nombreux chercheurs définit une approche nouvelle qui fera l’objet de son enseignement pendant vingt cinq ans, "L’anthropologie du geste".

De 1932 à 1950, il enseigne à l’Ecole d’Anthropologie de Paris et en même temps à l’Ecole pratique des Hautes Etudes (1933-1945). Il donne aussi, de 1931 à 1957, des cours libres à la Sorbonne et dirige, de 1932 à 1940, le Laboratoire de Rythmo-pédagogie de Paris.

Pendant cette période, il ne publie que de courts mémoires scientifiques. Les mille conférences, prises en sténotypie sur ses instructions, restent alors inédites. Son oeuvre ne commença à être publiée qu’après sa mort par sa collaboratrice, Gabrielle Baron, auteur de "Marcel Jousse, introduction à sa vie et à son oeuvre" (1965). En 1969, parait "L’Anthropologie du Geste" (2ème édition 1974), ouvrage de synthèse qui s’ouvre sur deux autres volumes : "La Manducation de la Parole" (1975) et "Le Parlant, la Parole et le Souffle" (1978).

L’oeuvre de Marcel Jousse se présente comme celle d’un savant et d’un expérimentateur appelé à renouveler de nombreuses disciplines par la découverte des lois fondamentales qui commandent les mécanismes logiques spécifiques de l’Anthropos.

Au premier rang de ces lois et mécanismes, Jousse place le "mimisme", qui est à l’origine de tous les processus de formation de la parole, de la pensée, de l’action logique, dans les divers milieux ethniques. Le mimisme est cette force spécifique de l’Anthropos, aussi mystérieuse mais aussi irrécusable et irrépressible que la faim ou la soif, qui fait que l’enfant rejoue spontanément (à la différence des anthropoïdes qui ne sont capables que de mimétisme opératoire) les sons, les mouvements, les "gestes" (ce mot recouvre, chez Jousse, tout ce qui peut être enregistré par les sens) de son univers.

La pensée est, et ne peut être, que la prise de conscience de ces "gestes" enregistrés, de leur apposition, de leur imbrication, de leur transposition, de leur inhibition, etc. La pensée et l’action sont gestuelles, l’une microscopique, l’autre macroscopique. Elles existent sur le mode "chosal" et sur le mode verbal.

Aux origines (et cela se constate encore de nos jours chez les peuples qui ont gardé une expressivité spontanée et chez les enfants), la parole et l’écriture étaient concrètes, "chosales". Elles se sont "algébrosées", à travers les millénaires, sous l’effet de la loi, également universelle, du "formulisme" qui est une tendance biologique à la stéréotypie des gestes, ceux qui procèdent du mimisme comme les autres. Cette loi du formulisme explique l’évolution des langues, des écritures, des mentalités, des cultures et, en même temps, d’une part le risque de sclérose qui les guette, d’autre part l’apparition de chefs d’oeuvre de l’expression humaine.

Jousse pose une troisième loi fondamentale : la pensée, la parole, l’expression humaine sous toutes ses formes tendent à se balancer sous l’effet de la structure bilatérale du corps. C’est la loi du bilatéralisme, dont le rôle, en logique formelle et dans les cultures, commence à être mis en lumière.

Les investigations et découvertes de Jousse qui suscitèrent, pendant un certain temps, l’enthousiasme, principalement dans le champ de la "psychologie linguistique" et de l’ethnolinguistique, intéressent en fait une grande partie des sciences humaines, dans la mesure où celles-ci se trouvent unies en profondeur, au niveau des mécanismes anthropologiques de base qui jouent dans l’inconscient logique et affectif.

Le travail de Gabrielle Baron et les livres publiés par ses soins ont permis un renouveau de la pensée joussienne. Certes, chez nos penseurs -philosophes et exégètes- la chape de silence demeure. Il faut chercher ailleurs ceux que passionne Marcel Jousse.

Chez les pédagogues, les psychologues d’enfants, les ethnologues, les animateurs d’expression ou d’harmonie corporelle, il y a des praticiens, peu satisfaits des idéologies à la mode, qui trouvent au contraire en lui des points de repère pour leurs pratiques anthropologiques.

Certains fait socioculturels pourraient aussi recevoir de son anthropologie des éclairages fort précieux, depuis l’influence massive des mass médias, jusqu’au nombre impressionnant de collégiens qui ne maîtrisent pas les gestes indispensables d’écriture et de lecture. N’oublions pas non plus un renouveau timide, mais prometteur, de rythmo-catéchèse évangélique.

Marcel Jousse a compris le composé humain dans sa profondeur, il a expliqué les lois fondamentales de la "mécanique humaine" qui sont à l’oeuvre dans les civilisations vivantes sous tous les cieux.

Aujourd’hui, bien des incitations ou des mises en garde de Marcel Jousse prennent une allure prophétique. L’audio-visuel a bel et bien pris le pouvoir. Tout notre mode de vivre, de penser, d’exprimer, change à un rythme en accélération constante. Mais demain, qu’en sera-t-il de nos mécanismes humains ?

Jousse nous dévoile les structures de ces mécanismes, les secrets de leur fonctionnement, ainsi que les moyens de conserver et d’améliorer leur efficacité. Puissent les nouveaux chercheurs, en quête de "l’humanité authentique" se rassembler pour diffuser sa pensée et continuer ses travaux !

© Association Marcel Jousse.